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Le partenariat fiscal : une révolution culturelle en marche ? Chronique de JP.LIEB

La pérennisation d’une nouvelle forme de relation entre l’administration fiscale et les entreprises porte en elle les germes d’une triple mutation.

Le 14 mars dernier, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé lors d’un colloque organisé à Bercy la pérennisation d’une nouvelle forme de relation entre l’administration fiscale et les entreprises intitulée « partenariat fiscal » qui reprend, en l’adaptant, la relation de confiance lancée sous forme d’expérimentation il y a maintenant cinq ans. Sous ce vocable se cache, en réalité, une évolution qui s’apparente à une révolution culturelle.

Ce partenariat a pour ambition de refonder en profondeur la nature et la fréquence de cette relation en posant les bases d’un dialogue régulier et permanent entre les deux parties, l’entreprise offrant une transparence immédiate sur sa stratégie, ses choix opérationnels et leurs incidences fiscales ; l’administration promettant, en contrepartie, un interlocuteur unique à même d’assurer une sécurité juridique par la validation au fil de l’eau des positions fiscales de l’entreprise, notamment au travers de rescrit. L’objectif commun étant de purger, avant tout contrôle, tout sujet potentiel de divergences d’appréciation.

Cette initiative transpose en France, en l’adaptant, un concept dont les principes ont été posés par l’administration néerlandaise - dont on connaît l’esprit innovant - il y a plus de dix ans et depuis adopté par de très nombreuses administrations fiscales dans le monde. Elle porte en elle les germes d’une triple mutation.

Un droit « mou »

Le premier changement majeur est de passer d’une relation fondée sur un rapport de force déséquilibré au profit d’un pouvoir et d’une légitimité régalienne à un rapport contractuel qui place les deux partenaires dans une situation certes différente en termes d’engagements, mais sur un pied d’égalité quant à la capacité de rompre à tout moment le partenariat. Cette dimension contractuelle est d’autant plus affirmée qu’elle repose sur la simple volonté des parties - le ministre ayant annoncé qu’il renonçait à recourir à l’ordonnance pour graver dans le marbre du livre des procédures fiscales les obligations et devoirs des parties prenantes à ce partenariat. Cette émergence d’un droit « mou » dans notre paysage réglementaire, si rigide, est en soi une véritable avancée.

La deuxième évolution notable est de substituer au traditionnel rapport de contrôle fondé sur la suspicion et le doute, un partenariat reposant sur une confiance mutuelle présupposée existante dès la signature du contrat. Cette approche, somme toute fréquente dans d’autres pays notamment de culture anglo-saxonne, est novatrice et marque une réelle rupture. Elle repose à la fois sur l’idée que les deux parties y trouvent bénéfice, mais surtout qu’il peut exister des situations pour lesquelles une approche coopérative est plus efficiente pour une administration qu’un rapport asymétrique.

Enfin ce partenariat devrait, en soi, induire une mutation encore plus profonde, celle de confronter les fonctionnaires à la prise de risque et ce à double titre.

La fin d’un dogme
D’une part, ce que recherchent les entreprises en entrant dans ce partenariat est la sécurité juridique promise qui repose notamment sur la capacité de l’administration fiscale à répondre rapidement (dans un délai de trois mois maximum) aux questions qui lui sont soumises. La célérité annoncée impliquera de devoir trancher sans nécessairement avoir l’assurance d’une expertise en détail des questions. Notons que c’est simplement le quotidien des entrepreneurs que de prendre des décisions de gestion dans la nécessité de l’urgence.

D’autre part, en acceptant de réduire de facto le champ du contrôle fiscal à des questions qui ne seront pas discutées dans le cadre du partenariat, l’administration renonce au dogme d’une vérification générale qui n’était en réalité qu’une illusion et admet que ses investigations puissent être limitées et ciblées. C’est là une seconde reconnaissance que, face à la complexité de l’organisation des entreprises, le contrôle est en pratique nécessairement imparfait et contraint.

Une telle évolution impliquera réactivité, pragmatisme et courage dans la prise de décision de la part des fonctionnaires en charge de la gestion de ce partenariat, bref un changement de mentalité loin d’être anodin. C’est aussi l’occasion pour l’administration fiscale de démontrer sa capacité d’adaptation et de modernisation dans un contexte où la fracture du verrou de Bercy a conduit les entreprises à réaliser la réalité du risque pénal fiscal et la nécessité plus que jamais de sécuriser leurs options fiscales le plus en amont possible d’un contrôle.

Jean-Pierre Lieb, associé, EY Société d’Avocats

Article publié le 10 avril 2019.


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